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 Demestrya, fille de Domitia

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MessageSujet: Demestrya, fille de Domitia   Demestrya, fille de Domitia Icon_minitimeVen 7 Avr - 20:14

Je suis née sous les augures de Domitia, il y a maintenant plus de 20 ans…
A l'époque, nous étions une grande famille, où régnaient l'abondance et la sérénité.
Nous ne manquions de rien et nous nous contentions de cette vie faite de plaisirs simples.

Tout se déroulait selon un rythme doux et naturel, et tous s'entendaient à respecter le temps comme s'il s'agissait d'une divinité.

C'en était une, mais elle était peu comprise ici bas… Il était pareil à Gaïa, mais au contraire d'elle, qui ne faisait qu'assister à la croissance du monde, lui agissait sur chaque chose en lui donnant naissance, existence et mort.
J'ai toujours, depuis ma prime enfance, été bercée par les contes et légendes du pays d'Ire.
Les divinités y avaient une place très importante, notamment Domitia, qui régissait les plantes et fleurs, les arbres, la terre et le roc.

Mon village respectait cette nature. Elle nous nourrissait, nous protégeait, nous berçait…
L'on respectait le rythme lent des cultures, l'on plantait des arbres aux endroits où d'autres avaient été coupés ou arrachés par le vent… Maudit sois-tu Eole !

Depuis tout temps, l'Arbre signifiait tant de choses par chez nous.
Lorsque chaque enfant atteignait 12 années, sa grand-mère lui choisissait un arbre protecteur… Il définissait le caractère de l'enfant, tant il était chargé de symboles.
Mes frères aînés avaient pour protecteurs le chêne et le houx, emplis de sagesse et puissants.
Ils s'étaient d'ailleurs bien enorgueillis depuis qu'on les leur avait attribués, et ils me coursaient dans les bois lorsque je le leur faisais remarquer !

Ma grand-mère n'arrivait pas à se décider pour moi… Il m'arrivait d'être douce et tranquille, casanière, et parfois je m'échappais plusieurs jours, refusant de rentrer, invoquant que j'étais à la recherche de korrigans à corriger. Cela offusquait les villageois fidèles à Eole, car ces créatures lui semblaient liées, mais qu'importe, il n'avait qu'à pas déraciner les arbres !

Puis, un matin, je trouvais au pied du lit une branche de sureau. On ne m'avait pas dit ce qu'il représentait. Je courai auprès de ma grand-mère pour qu'elle m'explique son choix…
« Si j'ai choisi le sureau, c'est car il représente l'ambiguïté. Il possède autant des vertus curatives que toxiques. Tu es comme lui : personne ne pourra dire si tu es aussi blanche que ses fleurs, ou aussi noire que ses baies. »
Cette définition me glaça le sang, mais je n'étais pas peu fière d'annoncer à mes parents que j'avais pour protecteur un arbre qui n'avait encore eu aucun enfant à défendre.

On fit une fête pour célébrer l'événement, et on s'y amusa énormément, mais je sentais que quelque chose pesait dans l'air, comme un sentiment de non dit et de crainte.
La nuit se termina aux petites heures du jour, et chacun regagna sa hutte pour s'y reposer.

Malgré que je ne portais Eole dans mon cœur, il m'avait insufflé le désir de voler vers d'autres contrées, comme le font les oiseaux de passage en quête de chaleur lorsque s'épuise le soleil de la belle saison. Plus je grandissais, plus ce désir s'accentuait.

Grandie et emplie d'assurance, et après voir étudié la lecture et l'utilisation des fleurs et plantes de la région dans diverses préparations, je décidai de prendre la route, en quête d'aventures. On m'avait prévenu que la vie était beaucoup moins facile en quittant le village, beaucoup en étaient revenus déçus, d'autres avaient trouvé la mort sur les routes peu sures.
Je n'étais pas la seule à désirer partir, mes deux frères se joignirent à moi.
Ma mère semblait déjà un peu plus rassurée.

On partit de bonne heure, les besaces remplies de jambons, saucisses et miches de pain.
Une bourse commune avait été confiée à l'aîné, afin de subvenir à nos premiers besoins…
Nous traversions des champs et des plaines, nous enfoncions dans les forêts encore méconnues et inhospitalières, et rejoignions les routes lorsque celles-ci réapparaissaient.
Le soir, nous mangions autour d'un petit feu, qui brûlait jusqu'à l'aube naissante.
Nous rencontrions parfois des errants ou des voyageurs, certains nous effrayaient tandis que d'autres partageaient avec nous leurs récits d'aventures jusque tard dans la nuit.
Le lendemain, nous reprenions le chemin, nous éloignant chaque jour un peu plus de notre tant aimé pays.

Nous n'étions pas trop malheureux, car même si les routes étaient longues, elles menaient toujours à des villages de campagne, et entre nous, l'ambiance était heureuse, et pleine de soutien. Tandis que l'aîné et moi nous faisions de cette expédition une joie, le cadet commençait à faiblir, et son sourire diminua au fil des milles parcourus.
Un soir, il nous confia qu'il désirait rentrer. Nous ne voulions pas le forcer… Et puis, valait mieux ne pas trop parler de rentrer nous aussi… Repenser à la bonne cuisine de maman, et le soleil si clément en pays d'Ire nous aurait fait rapidement retourner les talons ! Il se mit sur le chemin, nous fit ses adieux, et rentra au pays.

Nous n'étions désormais plus que deux, et la nuit qui suivit fut la plus longue jamais vécue.

Quelques jours plus tard, et au moment où les besaces commençaient à être considérablement vides, nous aboutissions : la grande Ville de Kildhar nous ouvrait ses portes. Epuisés mais curieux, nous nous enfonçâmes dans ses rues peuplées de personnages aussi pittoresques qu'originaux. Tandis que mon frère tentait de trouver une auberge au milieu de la foule oppressante, je m'amusais à écouter les jolies palabres de médecins ayant trouvé enfin le remède absolu aux divers problèmes de riches badauds… Faire repousser un bras, guérison complète de toutes les maladies, aphrodisiaques en tout genre... Il y en avait pour tous les goûts, et pour toutes les bourses.

Ces charlatans apportaient plus de distraction que d'efficacité, mais qu'importe, ils avaient toujours existé, et ils avaient toujours autant de succès.
Une fois l'auberge trouvée, on s'y installa. On dormit bien une journée entière, et ce furent les bagarres de taverne qui nous réveillèrent, à la nuit tombante…
On en avait connu des bagarres, mais pas aussi violentes que celles-là. On ne connaissait pas vraiment la méchanceté de certains hommes, et cette ville en était le théâtre. La journée, les rues étaient calmes, et la nuit, mieux valait de ne pas trop s'y aventurer.

Après quelques jours de festin et d'oisiveté, il nous fallait faire un choix : rester ici, ou reprendre le chemin. Mon frère voulait continuer, car on lui avait parlé d'une ferme à quelques miles au sud qui payait cher les costauds comme lui. Moi, je n'arrivais pas à me décider. Je voulais encore découvrir des choses dans cette ville, et il me semblait pourtant y avoir tout vu. J'avais de petits revenus par la vente de quelques remèdes à des dames de l'auberge, car elles se méfiaient des faiseurs de miracles dans la rue. Cela me permettait de payer la chambre, et de temps en temps les repas. Mon frère me laissa une nuit de réflexion, mais lorsque je me réveillai pour lui annoncer que je restais ici, il n'était déjà plus là. Il avait sans doute compris depuis la veille. Comme quoi, je n'étais pas aussi imprévisible que le pensait ma grand-mère. Sur la petite table de bois, la bourse et un petit bout de parchemin sur lequel était inscrit de prendre soin de moi.
J'aurais pu pleurer, comme avant, comme quand j'étais un enfant, mais je ne le fis pas. Je me sentais forte et je pouvais enfin prouver de quoi j'étais capable.
Avec le temps, je finis par connaître la plupart des médecins de rue, bons ou mauvais, et certains me demandaient parfois de leur concocter des liquides curatifs pour leurs plus fidèles clients. Ils me disaient ce dont les malades souffraient, et je partais en forêt chercher de quoi les contenter. Ces petites affaires m'arrangeaient fort bien, et je ne manquais de rien.

Cette ville était devenue ma ville.

Puis, un jour je rencontrai ce médecin mystérieux. Je ne l'avais encore jamais vu, et je voulus lui parler, car au contraire des autres, il avait acquis un succès fulgurant. Ces remèdes se vendaient par dizaine et bientôt ; il finit par attiser la jalousie de ses pairs.
Attirée par le gain facile, je vins lui proposer mes services. Il accepta immédiatement, tout simplement car il n'avait plus d'apothicaire et qu'il écoulait ces derniers jours ses dernières fioles. Il me proposa un pécule intéressant, et le courant passa tout de suite entre nous.
Au fil du temps, l'on avait appris à se connaître et à s'apprécier. De statut d'associée, je passai rapidement à celui d'amante. Je voyais mal ce qui pouvait, à ce moment précis, nous séparer, tant le travail comme la vie était devenue une suite de moments de pur plaisir et d'entente.

Mais cela arriva. Un soir, il ne rentra pas à la chambre… Malgré le danger de la nuit, j'arpentais les rues à sa recherche, accostant les quelques hommes qui lui ressemblaient, mais ce n'était jamais lui. Puis, dans une ruelle, un corps gisait à terre. Le sang coulait sur les pavés, et l'œil brillait. Je m'effondrai sur le sol. Ca ne pouvait pas être lui. Il ne pouvait pas être mort. La vie ne pouvait pas le reprendre alors qu'il était désormais à moi… Pas maintenant.
Je restai jusqu'à l'aube, jusqu'à ce que la milice vint pour enlever le cadavre de cette ruelle. Je regardai son corps inanimé être emporté au loin, sur cette charrette où tant d'autres avaient été déposés. On n'allait pas chercher à savoir ce qui s'était passé, ni à ce que je ressentais.
Je me sentais vidée de ma substance, inerte sur ces pavés maculés de sang.
Je rentrai à l'auberge, fit mon paquetage, emballait mes fioles et tous ces souvenirs qui avaient vu naître une idylle trop vite terminée.

Je quittai la ville, sans regarder. Son corps avait sûrement été jeté dans la fosse, avec tous ces autres sans nom. Il n'en avait plus non plus, il n'était plus. Je devais arracher cette page du grand livre de ma vie et écrire une autre histoire.

Puis, au détour d'un chemin, à plusieurs centaines de milles d'errance, je tombai inconsciente.
Et quand je me réveillai, j'étais au milieu de gens, certains semblaient se demander ce que je faisais là, d'autres étaient occupés à combattre des entités sombres de l'autre côté d'un pont. Je me relevai… Le ciel était sombre.
Au loin, on entendait de supposés renforts. « Trois cauchemars sur le pont ! », criait un homme en armure. Les femmes et les enfants étaient conduits en d'autres lieux, et je les suivis. Je ramassai ma besace de fioles en vitesse, sans vraiment me demander comment ces gens étaient arrivés si rapidement sur mon chemin sans que je m'en aperçoive.

On m'accueillit dans un camp, et je construisis une tente auprès des autres. Je la partage avec une jeune fille orpheline qui traînait et un médecin fier de sa personne.
Petit à petit, ma vie s'est organisée autour de ces deux personnes. Elles sont devenues tout pour moi. La jeune fille, Timorina, a besoin d'affection et de soutien, et apprend avec moi les rudiments d'élaboration de potions, et le médecin, Ghym, est devenu un réconfort lorsque mon esprit s'obscurcit.

Pourtant j'en veux à Domitia. Je lui rends grâce pour ce qu'elle apporte chaque jour, et je la hais pour m'avoir arraché une partie de ma vie. Elle m'a trahie, et je compte bien trouver en moi ce qu'il y a de plus sombre si malgré toute la déférence dont je fais preuve à son égard, elle venait à me faire front une nouvelle fois.

NB: Demestrya, de par son origine, a une vision assez peu commune des légendes, qui ne correspond pas du tout avec ce qu'il en est réellement. Ainsi, elle pense que Domitia est responsable de la mort du médecin, car elle croit qu'elle gère la vie et la mort des humains, alors qu'il n'en est rien. L'allusion à Eole qui déracine les arbres est aussi fort personnelle, puisque la mythologie prône à la base l'équilibre des éléments (l'explication traditionelle pour les arbres arrachés étant l'élimination de ceux qui doivent partir, pour laisser la place au renouveau de la vie).


Dernière édition par le Lun 8 Mai - 2:38, édité 1 fois
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